Page 65 - Costellazioni 6
P. 65

PAUL DEMONT, Xénophon et Plutarque dans Der Tod in Venedig de Thomas Mann



                           lui permet la transition avec Platon. Mais cette montée vers la beauté
                           n’est probablement qu’une illusion passionnée, et une ivresse de
                           l’artiste, qui, en fait, soumis au soleil, en reste aux choses sensibles,
                           aux sens, à la sensualité… C’est là une sorte d’obsession de Thomas
                                                                                        36
                           Mann, perceptible dans ses notes de travail n°4-6, si terribles , cor-
                           respondant à l’ambition qu’il avait alors d’écrire un livre consacré
                           aux relations entre l’esprit et l’art (ce Geist und Kunst, un livre «pas-
                           sionné» qu’il attribue à Aschenbach au début de son chapitre II) et
                           reprise explicitement dans ses Unterhaltungen eines Unpolitischen en
                           1918:  «Ein  Künstlerleben  ist  kein  würdiges  Leben,  der  Weg  der
                                                         37
                           Schönheit kein Würdenweg» . Dans le monde de Schopenhauer,
                           selon Nietzsche lu par Thomas Mann, règne une «Todes-Erotik als
                           musikalisch-logisches Gedankensystem, geboren aus einer enormen
                           Spannung von Geist und Sinnlichkeit»: c’est aussi le cas du monde
                           de Gustav von Aschenbach.
                                 bien entendu, la nouvelle de Thomas Mann a beaucoup d’au-
                           tres sources, à commencer par l’expérience personnelle de l’auteur
                           lors de son séjour à Venise, sur laquelle on a pu récemment encore
                           apporter de nouveaux éléments . J’ai tenté ici seulement à nouveau
                                                           38
                           de mettre en lumière le travail d’appropriation d’une citation de Xé-
                           nophon transmise par Schopenhauer auquel se livre Thomas Mann,
                           et d’explorer quelques aspects de sa méditation sur le dialogue de
                           Plutarque que le même Schopenhauer citait, cet effort que Thomas





                           36  Par exemple: «Die Form ist die Sünde. Die Oberfläche ist der Abgrund. Wie
                           sehr wird dem würdig gewordenen Künstler die Kunst noch einmal zum
                           Problem ! Eros ist [für den Künstler] der Führer zum Intellektullen, zur gei-
                           stigen Schönheit, der Weg zum Höchsten geht für ihn durch die Sinne. Aber
                           das ist ein gefährlich lieblicher Weg, ein Irr[weg] und Sündenweg, obgleich
                           es einen anderen nicht giebt» (Notice 4, consacrée à définir la progression des
                           chapitres II à V de la nouvelle, avec une citation de Georg von Lukács que je
                           n’ai pas reproduite).
                           37  Gesammelte Werke XII, p. 573.
                           38  Voir Th. Rütten, Von Grünwarenhändlerinnen und Schifferknechen: Neues zur
                           Cholera in Thomas Manns Der Tod in Venedig, in S. Meine, G. blamberger, b.
                           Moll, K. bergdolt (Hrsg.), Auf schwankendem Grund. Dekadenz und Tod im Ve-
                           nedig der Moderne, Fink, Paderborn, 2014, p. 71-112.



                                                           63
   60   61   62   63   64   65   66   67   68   69   70