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PAUL DEMONT, Xénophon et Plutarque dans Der Tod in Venedig de Thomas Mann



                           horizon d’attente restreint à la partie de la bourgeoisie allemande du
                           début du vingtième siècle qui connaît le grec, la littérature et l’art de la
                           Grèce ancienne. Un tel lecteur sera capable, par exemple, de se représenter
                           immédiatement le type sculptural auquel pense Aschenbach en admirant
                           Tadzio, le «Dornauszieher» (en italien le Spinario, en français le Tireur
                           d’épine): «wie beim Dornauszieher lockte es sich in die Stirn, über die
                           Ohren und tiefer noch in den Nacken» (p. 32 Reed). Peut-être sera-t-il
                           même capable de penser à la possible inscription du Spinario dans une
                           vanité comme la Vanité avec Spinario du peintre Peter Claesz (1628, conser-
                           vée au Rijksmuseum, Amsterdam), qui déjà associait le jeune éphèbe et
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                           la mort , mais une vanité moderne, après Nietzsche et Freud.


























                           4  Il n’y a aucun élément indiquant que Thomas Mann lui-même ait pu faire ce
                           rapprochement, cependant, et il semble absent des études critiques, à ma
                           connaissance. Il n’est pas mentionné par D. boschung, Der Tod und der Jüngling.
                           Tadzios antiken Präfigurationen, in S. Meine, G. blamberger, b. Moll, K. bergdolt
                           (Hrsg.), Auf schwankendem Grund. Dekadenz und Tod im Venedig der Moderne,
                           Fink, Paderborn, 2014, p. 131-143, qui suggère de son côté la possible influence
                           concomitante des représentations d’Antinoos (un jeune homme très beau aimé
                           par l’empereur Hadrien et qui meurt noyé [Cassius Dion, V, 61-80], qui est très
                           souvent représenté dans la sculpture). L’archéologue H. bulle écrivait dans Der
                           schöne Mensch, en 1912 à propos de l’un des bustes d’Antinoos, du musée de
                           Naples: «Das Werk ist […] von einer […] süßlichen, übersättigten, wir dürfen
                           offen sagen perversen Schönheit. Es ist eine Mischung von edler Schwärmerei
                           und unverhüllter Sinnlichkeit» (cité par boschung, p. 143).



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