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PAUL DEMONT, Xénophon et Plutarque dans Der Tod in Venedig de Thomas Mann


                           Ellis Shookman, en 2003, dans une étude sur la très abondante littérature
                           critique qui concerne la nouvelle de Thomas Mann, Der Tod in Venedig,
                           observait: «The reception of the novella now suffers from a high degree
                                                 1
                           of scholarly saturation» : les nouveaux travaux négligent les travaux plus
                           anciens, redécouvrent des aspects déjà bien étudiés, ou inventent des in-
                           terprétations très contestables. Ce jugement, qui a été reproduit par de
                           nombreux autres critiques depuis, n’a pas conduit à la diminution du
                                                                                             2
                           flux, et l’auteur de cette étude y a lui-même contribué par deux fois .
                           Dans l’espoir d’apporter quelques éléments peut-être à certains égards
                           nouveaux, je voudrais ici analyser encore, malgré ces avertissements, la
                           complexité de la référence à l’Antiquité, que Thomas Mann revendique
                           explicitement, notamment à propos de son chapitre IV («ein antikisie-
                           rendes Kapitel», qui lui semble très réussi, écrit-il à son frère Heinrich
                           Mann dès le 2 avril 1912), référence qu’il trouve cependant, comme il
                                                                                            3
                           l’écrit aussi à son frère le 8 novembre 1913, «halb gebildet und falsch» .

                           Les renvois à l’antiquité sont loin d’être limités au «chapitre antiquisant»
                           et ils sont souvent implicites ou peu clairs, et parfois non sans ironie. Si le
                           lecteur est capable de les identifier avec précision, ils apparaissent comme
                           des signes de connivence entre l’auteur et le lecteur, et dessinent ainsi un






                           1  E. Shookman, Thomas Mann’s Death in Venice. A Novella and Its Critics, Wood-
                           bridge, Camden House - New York, 2003, p. 218. La nouvelle de Thomas
                           Mann est ici citée avec renvoi aux pages de l’édition de T. J. Reed: Thomas
                           Mann. Der Tod in Venedig. Text, Materialien. Kommentar, mit den bisher unveröf-
                           fentlichten Arbeitsnotizen Thomas Manns, Carl Hanser, München - Wien, 1983.
                           2  P. Demont, Platonisme, théorie littéraire et nouvelle chez Rudolf Kassner, Georg
                           von Lukács et Thomas Mann, in A. Pfersmann, b. Alazet (sous la direction de),
                           Fondements,  évolutions  et  persistance  des  théories  du  roman,  «Etudes  roma-
                           nesques», 5, 1998, p. 109-120 ; id., Le motif du ‘tard’ dans Der Tod in Venedig de
                           Thomas Mann et la mise en scène de la référence à l’antiquité, «Etudes germa-
                           niques», 64, 2009, p. 541-558 (repris dans: El motivo de lo ‘tardío’ en La muerte
                           en Venecia de Thomas Mann y la puesta en escena de las referencias a la antiguedad,
                           «Estudios Clásicos», 147, 2015, p. 7-28).
                           3  W. Deuse, ‘Besonders ein antikisierendes Kapitel scheint mir gelungen’. Griechisches
                           in Der Tod in Venedig, in G. Härle (Hrsg.), “Heimsuchung und süßes Gift”. Erotik
                           und Poetik bei Thomas Mann, Fischer, Frankfurt am Main, 1992, p. 41-62, p. 41.



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